Cyclisme

Un Giro sens dessus dessous

Comme souvent, le Giro s’est avéré plus imprévisible et haletant que le Tour de France. Laissé pour compte à trois jours de l’arrivée, le favori Vincenzo Nibali a tout fait basculer, poussant le Néerlandais Steven Kruijswijk à la faute dans un banc de neige vendredi et étouffant le grimpeur colombien Esteban Chaves en montagne samedi. Le champion italien a ainsi remporté son deuxième Giro hier à Turin. Le Québécois Hugo Houle s’est révélé à sa manière durant ce 99e Tour d’Italie.

Pas de grandes célébrations pour Hugo Houle à l’issue du Giro, qu’il a conclu au 72e rang hier à Turin. Le Québécois d’AG2R La Mondiale a sauté dans un autocar, direction Chambéry, où se situe le service course de l’équipe française. Il y récupérera deux vélos avant de monter dans un avion pour le Québec aujourd’hui. Fin seul dans l’autocar, le cycliste de Sainte-Perpétue est revenu sur les trois dernières semaines de course, où il en a surpris plusieurs avec ses prestations en haute montagne.

Satisfaction

« Je tire un bilan très positif », a évalué l’athlète de 25 ans, qui a terminé son deuxième Giro (113e en 2015). « J’ai vraiment pris de la puissance dans les cols. Souvent, j’étais encore dans le groupe de tête quand il restait une cinquantaine ou une soixantaine de gars. L’année dernière, je n’aurais jamais été là à ce moment-là. […] Personnellement, je suis très satisfait de mon niveau. J’ai livré ce que l’équipe attendait de moi et même plus, à mon avis. »

Chaperon

Après la chute fatidique de Jean-Christophe Péraud à la troisième étape, Houle s’est appliqué à chaperonner l’autre leader d’AG2R La Mondiale, Domenico Pozzovivo. L’Italien a faibli en bout de parcours, dégringolant de 10 places au classement général lors de l’avant-dernière journée (20e). « J’ai effectué du super bon travail pour Pozzovivo durant les trois semaines. Je commence à avoir une bonne expérience pour le positionnement dans le peloton. On repart un peu déçu des résultats en général, on avait de plus grandes ambitions, mais il y a eu des malchances et de la maladie. »

Collaboration

Houle a vécu un grand moment vendredi vers Risoul en roulant dans le dernier col avec Pozzovivo, le Danois Jakob Fuglsang et le Biélorusse Kanstantsin Siutsou. Quand ces deux derniers ont attaqué, le Québécois a suivi avant de se relever pour épauler son leader en difficulté. Houle a franchi la ligne au 28e rang de cette grande étape de montagne, à neuf minutes du gagnant Nibali. « Quand tu peux être là dans ces moments critiques, c’est vraiment le fun. Ça me motive à me surpasser. »

Élongation

Houle a craint pendant quelques jours de devoir quitter prématurément le Tour d’Italie. Il a subi une élongation musculaire à un mollet après le contre-la-montre en montée à la fin de la deuxième semaine. « Le docteur était prêt à m’arrêter », a-t-il confié. La douleur s’est apaisée au fil des jours et il a retrouvé toutes ses capacités pour les dernières étapes de montagne. « Tant qu’à être rendu là, tu ne veux jamais abandonner. »

Réduction

En deux ou trois ans, Houle a fait passer son poids de 165 à 150 livres. « C’est un aspect dont je me foutais carrément avant, mais les Européens m’ont fait comprendre que je devais perdre du poids. Dans les cols, la différence est énorme. Ça demande une grande discipline. À ce poids-là, tu ne peux plus te permettre d’écart. Il faut être vraiment fort mentalement. Mon doc dit que je pourrais descendre à 145. Il paraît que ce n’est jamais assez… J’en suis encore à chercher quel poids me convient le mieux. Trop maigre, ce n’est pas bon non plus. »

Évasion

Houle a beaucoup appris sur la dynamique des échappées propre à un grand tour. Après quelques essais infructueux, il a réussi à intégrer le bon groupe lors de l’étape reine dans les Dolomites, même s’il n’a pas été en mesure de s’accrocher jusque dans le dernier col. 

« Ça m’encourage et m’indique que mon rêve de gagner une étape dans un grand tour est possible. »

— Hugo Houle

Sélection

Houle estime être en excellente position pour l’une des trois places canadiennes pour les Jeux olympiques de Rio. Il se voit volontiers prêter main-forte à Michael Woods. « Il n’a pas beaucoup d’expérience dans le World Tour. Ça prendra des gars autour de lui en début de course pour le protéger et qu’il soit bien placé au moment décisif. C’est dans mes cordes. De toute façon, des gars qui grimpent et qui savent rouler, il n’y en a pas des tonnes au Canada. Il y a Antoine Duchesne, Christian Meier et moi. » Et Svein Tuft, coéquipier d’Esteban Chaves, deuxième de ce Giro ? « Les cols, ce n’est pas sa force. Il faut être honnête, il n’a pas vraiment de chance pour les Olympiques cette année. » Quant à Ryder Hesjedal, qui a abandonné pour cause de maladie alors qu’il était 14e au général, Houle espère que Cyclisme Canada l’écartera en raison de son historique de dopage. « Moi, je ne le prendrais pas. Question d’éthique. Je favoriserais plutôt un coureur pour soutenir un leader unique. Avec deux gars forts, Woods ou Ryder, c’est évident qu’il y a plus de chances que ça cause des flammèches. »

Programmation

Après une semaine de repos à la maison, Houle reprendra la compétition aux championnats canadiens de Gatineau et Ottawa (25 et 28 juin), où il défendra son titre au contre-la-montre individuel. Il participera ensuite au Tour de Pologne (12 au 18 juillet) et à la Clasica San Sebastian (30 juillet). En septembre, plutôt que la Vuelta, il s’alignera aux Grands Prix cyclistes de Québec (9) et de Montréal (11).

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